Volume 83, Issue 4: Varia

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Vol 83 – N° 4 – octobre 2018 P. 517-e45

Articles originaux

Jeunes enfants en déficit langagier : apport des méthodes projectives à la compréhension de leur évolution comportementale

The contribution of projective measures to the understanding of aggressiveness in young children with language impairment

Page :517-531

Marie-Julie Béliveau, Raphaële Noël, Nicole Smolla, Véronique Martin

Résumé

Objectif

Explorer les caractéristiques intrapsychiques de jeunes enfants atteints de déficits langagiers afin de mieux comprendre leurs ruptures comportementales.

Méthode

Dix jeunes patients (4–8 ans) consultant en clinique psychiatrique ont été sélectionnés en fonction de la présence ou non de crises de colère et d’un déficit langagier. Leurs réponses suite à l’administration d’épreuves projectives ont été analysées avec la Grille d’analyse développée par l’école de Lausanne.

Résultats

Les profils des enfants se distinguent selon qu’ils présentent ou non des crises de colère. Les enfants en trouble langagier sans rupture comportementale ont une meilleure assise narcissique malgré un sentiment chronique d’incapacité et ont pu développer des capacités de mentalisation et d’autorégulation, soutenues par des processus de pensée plus structurants. Les enfants présentant des crises de colère ont des angoisses plus archaïques (morcellement, angoisse d’abandon) qu’ils souffrent ou non d’un déficit langagier. Le profil langagier ne détermine pas la présence de crises de colère.

Discussion

Les résultats permettent de distinguer deux profils du monde interne de ces enfants en fonction de la présence de crises de colère et soutiennent le caractère transnosographique du trouble de langage. Les indices de pathologies limites sont seulement observés chez les enfants qui présentent également une rupture comportementale.

Conclusion

Les méthodes projectives sont utiles pour mieux comprendre la spécificité du déploiement du trouble langagier chez les enfants qui consultent en clinique psychiatrique. Les évaluations et traitements offerts doivent tenir compte à la fois des aspects développementaux, relationnels et affectifs dans une perspective intégrative incluant les parents. Les milieux cliniques doivent être mieux informés de la forte prévalence des déficits langagiers chez les enfants qui y consultent et intégrer cette compréhension aux interventions proposées.

Mots clés : Trouble de langage, Dysphasie, Colère, Enfant, Pédopsychiatrie, Méthodes projectives, CAT, Compléments d’histoire de MacArthur, Psychopathologie, Cas clinique

L’enfant autiste et son parent face à l’échec de l’intersubjectivité : une clinique de la narrativité

The autistic child and the parent confronted with failed intersubjectivity: A narrative approach

Page :533-543

Elie Pouillaude

Résumé

Objectifs

Cet article interroge l’échec des processus d’accès à l’intersubjectivité et à la subjectivation primaire dans la clinique des petits enfants souffrants d’autisme et les conséquences de celui-ci dans le développement de la parentalité exercée par les parents de ces enfants. Les processus psychothérapiques mis en œuvre par les fonctions narratives et testimoniales dans le cadre de la consultation paraissent dès lors nécessaires à la relance de l’identité narrative et de la capacité de rêverie parentale.

Méthode

L’auteur dégage quelques éléments cliniques et psychopathologiques propres au développement des mécanismes précoces chez le petit enfant. La clinique de l’autisme infantile interroge les échecs de la constitution des enveloppes prénarratives et de la mise en phase du travail psychique intersubjectif à partir desquelles peuvent apparaître les processus de subjectivation primaire et la constitution du monde intrapsychique lors de la conflictualité psychique primitive. Cette clinique donne accès à l’étude des mécanismes psychiques précoces. Dans un second temps, l’auteur soulève des éléments d’analyse de la situation du parent face au trouble psychopathologique de son enfant, situation qui peut en soi constituer un traumatisme dans l’éprouvé parental. Le diagnostic qu’apporte le thérapeute risque de déclencher une interruption du fantasme entretenu par le parent sur son enfant, le réel de l’annonce amputant la charge imaginaire propre à la parentalité et constituant dès lors un trauma psychique. Dans un dernier temps, l’auteur développe les perspectives de relance des fonctions parentales figées par le trauma au travers de fonctions thérapeutiques permettant l’élaboration de celui-ci.

Résultats

Le principe psychothérapique consiste à restaurer pour l’enfant un environnement précoce dans lequel la rencontre avec l’espace affectif n’a pu soutenir son besoin de cohésion narcissique. Il revient au thérapeute de soutenir la capacité d’hébergement de la psyché maternelle en accueillant dans sa propre psyché l’expérience psychique parentale non symbolisée pour en soutenir l’élaboration.

Discussion

Tout développement psychique suppose une rencontre avec l’altérité, donc avec l’intersubjectivité, et l’échec du registre interpersonnel entrave le passage à l’intrapsychique. L’autisme infantile peut ainsi être considéré comme un échec majeur des processus d’accès à l’intersubjectivité empêchant la mise en place des processus de subjectivation. La discussion se centre, face à la rupture des identifications projectives parentales et des conditions du rendre pensable son enfant, sur la relance des processus d’identification régressive qui permettent au parent de rester en lien vivant avec ses propres parties infantiles. Le lien entre la restauration de la fonction narrative du parent et la reconstruction du lien à son enfant comme un espace de récit est soulevé.

Conclusion

Les dysfonctionnements de l’accordage affectif hors langage (symbolisation primaire) et avec langage (symbolisation secondaire) et de la constitution des enveloppes pré-narratives sont propres à troubler les processus d’accès à la subjectivité et à l’intersubjectivité. L’autisme infantile confronte le parent à un vécu traumatique interrompant le fantasme et la charge imaginaire de sa parentalité. Cette relation imaginaire ne peut qu’être écornée par l’épreuve du réel entamant dès lors tant les capacités de rêverie maternelle que son espace narratif. Face aux « fractures » de la fonction narrative dont sont atteints les parents, la relance des processus de refiguration, permettant le passage de l’histoire à la narration, est à même de restaurer l’espace narratif parental comme étant un espace de rêverie et de jeu entre le parent et son enfant. La fonction testimoniale mobilisée par le processus thérapeutique peut dès lors ouvrir à la réélaboration des troubles précoces qui affectent l’enfant et son environnement.

Mots clés : Parentalité, Enfance, Autisme, Diagnostic, Trauma, Symbolisation, Intersubjectivité, Subjectivation, Narrativité, Témoignage

La fonction de l’inquiétante étrangeté dans les difficultés des apprentissages

The function of the uncanny in learning difficulties

Page :545-556

Angélique Christaki

Résumé

Objectifs

Nous partons de la constatation clinique suivant laquelle les difficultés des apprentissages rencontrées sous l’appellation des « dys » et des troubles d’apprentissages dans les classifications de pédopsychiatrie contemporaine internationale peuvent être consubstantielles de l’émergence des phénomènes d’inquiétante étrangeté chez l’enfant. L’objectif de cet article est d’interroger la place de ces phénomènes au moment de l’entrée dans la lecture et dans l’écriture, moment pendant lequel résonne la réactivation de la perte originaire qui a permis l’entrée du sujet dans le langage et dans la parole.

Méthode

Cet article est ordonné autour de trois axes : (a) un repérage théorique dans le champ actuel de la pédopsychiatrie autour de ces questions psychopathologiques ; (b) l’expérience clinique avec l’exemple de jeunes enfants qui présentent des difficultés d’apprentissages et qui ont été en psychanalyse ; (c) une confrontation de la clinique contemporaine relative aux difficultés des apprentissages au regard des outils et concepts métapsychologiques.

Résultats

À partir de ces développements, la fonction de l’inquiétante étrangeté peut éclairer les difficultés des apprentissages pendant la période de latence. Plus précisément, les difficultés pour apprendre peuvent résulter de l’atteinte de la dynamique hallucinatoire inhérente aux phénomènes d’inquiétante étrangeté à l’endroit où la représentation mnémonique se voit inapte à absorber l’excès de la sexualité libérée au réveil du souvenir.

Discussion

Cet article explicite le surgissement des phénomènes d’inquiétante étrangeté d’ordre hallucinatoire au moment où la fragilité du refoulement n’a pas encore doté l’enfant d’une image du corps une et fermée sur elle-même. Ainsi, les activités de lecture et d’écriture peuvent devenir le lieu où la pensée se dévoile transparente à elle-même et où le texte peut se transformer en une scène d’unheimlich (Freud). Une telle approche introduit la place de la dynamique hallucinatoire du fonctionnement psychique, notamment concernant la période de latence.

Conclusion

L’inquiétante étrangeté se ramène ainsi à cette suspension de jugement relative au sexe, à ce litige quant à savoir si l’incroyable n’est tout de même pas réellement possible.

Mots clés : Nosographie, Apprentissage scolaire, Clinique, Représentation pulsionnelle, Dynamique hallucinatoire, Inquiétante étrangeté, Sexuel, Latence, Temporalité psychique, Transfert

Image et culture dans la prise en charge de mineurs isolés étrangers

Image and culture in the care of unaccompanied minor refugees

Page :557-578

Pietro Alfano, Giuseppe Lo Piccolo, Palma Audino, Thierry Baubet

Résumé

Objectifs

À travers le recours à la médiation photographique, nous souhaitons montrer les bénéfices du recours à un dispositif groupal à médiation dans le contexte migratoire. L’accent sera mis sur la circulation des affects en groupe et sur l’articulation sujet-groupe dans ce type spécifique de prise en charge.

Méthode

Le groupe Photolangage® ici présenté s’inscrit dans le cadre d’une prise en charge et d’un soutien psychologique adressé à des mineurs isolés étrangers (MIE). Il s’agit de cinq adolescents ressortissants d’Afrique Noire et du Bangladesh, d’âge compris entre 15 et 17 ans. Pour notre analyse, nous aurons recours à la méthode clinique apte à favoriser les processus de lien, de représentation et de symbolisation dans la situation groupale.

Résultats

Les éléments cliniques observés, nous montrent comment les objets culturels représentés dans et par les photos, ainsi que le recours à la langue maternelle de la part des participants ont tenu un statut d’objet de médiation, en ouvrant un véritable espace potentiel garant de transformation et de changement. L’objet culturel se présente ici comme un « passeur » des affects et des représentations non encore accessibles aux sujets.

Discussion

Les mouvements migratoires actuels ont des répercussions, sociales, politiques et psychologiques à la fois individuelles et collectives très complexes. Les problématiques concernant les migrants mineurs non-accompagnés et leur prise en charge, nous sollicitent à penser nos cadres de soin dans une dimension transculturelle et modifient nos façons de penser et de pratiquer la clinique. Les effets du colonialisme sur la psyché du sujet migrant sont davantage actuels et structurants de leur identité subjective et collective. Ces éléments nous aident d’ailleurs à une meilleure compréhension des imaginaires émergents en groupe.

Conclusions

Les problématiques concernant la migration dans un contexte de violences sociales et collectives, doivent être pensées à nos yeux en articulation avec la complexité des différents espaces psychiques mobilisés. De plus, ces problématiques sont remises à la fois en question, en jeu, en travail, en interrogations et parfois en échec dans un contexte transculturel. L’introduction de la médiation des images en groupe favorise, ainsi, l’articulation des différents espaces psychique et soutient la mise en mouvement des processus de lien et de représentations des affects.

Mots clés : Mineurs isolés étrangers, Traumatisme psychique, Photolangage®, Psychothérapie de groupe, Médiations thérapeutiques, Medium maléable, Photographie, Symbolisation, Groupe d’adolescents, Culture, Migration

« J’ai pensé qu’il fallait étudier les aliénés » : l’œuvre de Charles Darwin et la médecine mentale

‘ It occurred to me that the insane ought to be studied’: Charles Darwin’s work and mental medicine

Page :579-598

Geoffrey Marcaggi, Fabian Guénolé

Résumé

Objectifs

Contribuer à situer le « point de vue évolutionniste » en psychopathologie et en psychiatrie, l’histoire de l’influence de la théorie l’évolution de Charles Darwin (1809–1882) dans ces domaines étant trouble et source de malentendus.

Méthode

Nous proposons un essai historique sur les rapports entre Charles Darwin, son oeuvre et la psychiatrie et la psychopathologie, en nous inspirant sur le plan méthodologique des règles historiographiques de vérification et de contextualisation préconisées par Henri Ellenberger et du « cubisme historique » de Sonu Shamdasani.

Résultats

Darwin fut lui-même très inspiré par les écrits des psychiatres britanniques de son temps et en contact direct avec certains d’entre eux, comme James Crichton-Browne (1840–1938), avec qui il entretint une correspondance soutenue et cruciale pour son travail sur l’expression des émotions. Cependant, du milieu du XIXe siècle au début de la première guerre mondiale, la psychiatrie européenne fut surtout influencée par la théorie de la dégénérescence, puis dans une moindre mesure par l’évolutionnisme anthropologique d’Herbert Spencer (1820–1903) et le mouvement eugéniste. On trouvera ensuite chez certains des fondateurs de la psychopathologie moderne la marque d’une pensée évolutionniste, à commencer par Sigmund Freud (1856–1939) qui, en compagnie de Sándor Ferenczi (1873–1933), appliqua aux troubles mentaux des hypothèses empreintes, surtout du lamarckisme psychologique d’August Pauly (1850–1914) et du récapitulationnisme d’Ernst Haeckel (1834–1919). Plus récemment, John Bowlby (1907–1990) fut le précurseur, à travers la théorie de l’attachement, d’une psychopathologie néodarwinienne.

Discussion

Malgré les apparences, la théorie de la dégénescence, le spencérisme et l’eugénisme comportèrent des divergences notables avec la pensée de Darwin, en particulier l’absence de prise en compte du mécanisme de la sélection naturelle dans toute sa complexité. Plus sophistiqué, l’évolutionnisme de Freud et Ferenczi reposait sur des principes biologiques bientôt battus en brèche par les découvertes scientifiques de l’entre-deux-guerres. Les continuateurs de Bowlby enfin, dont la tendancieuse sociobiologie, perdirent de vue la question de l’évolution biologique pré-humaine.

Conclusion

Finalement, la voie reste ouverte de nos jours pour une approche raisonnablement darwinienne des émotions de l’Homme et de leurs vicissitudes.

Mots clés : Dégénérescence, Eugénisme, Phylogenèse, Expression de l’émotion, Histoire de la psychiatrie, Histoire de la psychanalyse, Neurosciences

L’intuition délirante comme phénomène élémentaire de la psychose

Delusional intuition as an elementary phenomenon in psychosis

Page :599-612

Nicolas Brémaud

Résumé

Objectifs

Cet article vise à mieux cerner, à mieux délimiter le concept d’intuition délirante, sous l’angle de la psychiatrie et de la psychanalyse. Nous questionnerons le terme même d’« intuition » pour nous demander s’il doit être maintenu. Nous nous demanderons également si l’intuition délirante se révèle propre à une forme de psychose en particulier.

Méthode

Nous commencerons avec une revue de la littérature psychiatrique et psychanalytique. Cet aperçu historique permet de se dégager du phénomène de l’intuition délirante comme tel, et d’interroger plutôt celui-ci comme un élément de la structure psychotique faisant irruption dans le réel.

Résultats

L’apport de la psychanalyse a permis de considérer l’intuition délirante comme un phénomène élémentaire, comme un moment de déclenchement très particulier de la psychose. En effet, ce déclenchement soudain – qui ne produit pas les effets déstabilisants classiques – semble immédiatement satisfaire le sujet, lui apporter une réponse, une solution – dans la révélation ou l’illumination – qui ne demande pas d’autres explications, justifications ou interprétations délirantes.

Discussion

La discussion, avec l’appui des références psychanalytiques, questionne les rapports entre intuition délirante et type de psychose, entre l’intuition et l’interprétation, entre déclenchement classique (qui, à grands traits, va de l’énigme, de la perplexité à la certitude) et ce déclenchement particulier qui semble aller dans un mouvement inverse.

Conclusion

L’intuition délirante est un phénomène élémentaire qui s’impose au sujet dans toute sa certitude, avec un caractère d’évidence, qui est décrit parfois comme moment d’illumination. C’est un phénomène qui se complète le plus souvent d’interprétations délirantes. Ce type de déclenchement de la psychose est particulier au sens où il n’a pas pour conséquence une déstabilisation de la structure. Sa fonction semble être celle d’une prothèse qui protègerait le sujet – d’emblée et sous la forme de la révélation, de la signification des choses et du monde en général – d’une possible désorganisation.

Mots clés : Délire, Intuition, Psychose, Psychiatrie, Psychanalyse, Phénomène élémentaire

Quand l’homme est battu par la femme : réflexions psychanalytiques sur l’inversion des pôles de violence de genre dans le couple

When the man is beaten by the woman: Psychoanalytical thoughts on the reversal of the poles of violence within the relationship

Page :613-625

Jean-Baptiste Marchand, Elise Pelladeau

Résumé

Objectifs

Dans le cadre de cet article, les auteurs intéressent à la clinique des violences conjugales, sous un versant particulier : quand l’homme est battu par la femme.

Méthode

Ils y proposent une réflexion psychanalytique sur l’inversion des pôles classiques de violence dans le couple, en croisant ces perspectives avec les travaux sur le genre. Puis, à partir du cas de Sonia, patiente suivie à sa demande, en thérapie psychanalytique depuis trois ans, suite à des violences (physiques et psychologiques) commises et répétées à l’encontre de son conjoint, les auteurs tentent de dégager la complexité du lien à l’autre, à l’aune de sa réédition dans le transfert.

Résultats

Partant des énigmes que Sonia intromettait dans son lien psychothérapeutique et des impressions cliniques, ils questionnent alors les destins et l’objet de « la perversion comme forme érotique de la haine » (Stoller, 1975) qu’ils mettent en perspective de la troisième topique de Dejours (2001) et des desseins compulsionnels de l’inconscient amential.

Discussion

Ils questionnent l’idée que les violences de couple seraient en lien avec des violences de genre dont l’origine s’inscrirait dans une haine primitive de l’objet auquel le sujet refuserait sa différence.

Conclusions

Le passage à l’acte apparaîtrait alors lorsque la frustration dans la relation à l’autre viendrait rappeler le traumatisme infantile et le refus de la différence d’avec l’objet, suscitant un embrasement de cette haine primitive.

Mots clés : Violence conjugale, Genre, Couple, Passage à l’acte, Cas clinique

Qu’est-ce qu’une narration ? Les fonctions psychiques de la narration

What is a narration? The psychic functions of narration

Page :627-645

Gilles Bourlot

Résumé

Objectifs

L’intention de notre réflexion est d’identifier les apports du courant « narrativiste » en psychanalyse et de repérer en quoi ils découlent d’un héritage philosophique fondamental : les travaux de Paul Ricoeur sur le temps et le récit. Dans cette perspective, les fonctions psychiques de la narration sont présentées et différenciées. Cette réflexion développe une approche clinique et éthique, qui interroge la notion d’« identité narrative ».

Méthode

Cet article correspond à une recherche critique sur la notion de narration et les théories de la narration, à travers l’analyse des positions de Roy Schafer, Donald Spence et Paul Ricoeur. Les théories psychanalytiques de la narration sont envisagées dans leur rapport à la phénoménologie de Ricoeur.

Résultats

Cette recherche distingue et présente les huit fonctions psychiques de la narration : catharsis, liaison, partage, historisation, construction, créativité, interprétation, subjectivation. Les relations entre ces fonctions ne sont pas d’opposition, mais de complémentarité et de superposition. La philosophie de Ricoeur permet d’explorer des notions essentielles (« vie », « fiction », « identité narrative »), de repenser la narration et de proposer une subversion épistémologique du concept de sujet.

Discussion

La notion de narration est discutée d’un point de vue théorique, clinique et éthique. Les apports du courant « narrativiste » en psychanalyse sont discutés et reliés à leur source (Paul Ricoeur). La discussion montre en quoi l’approche de Ricoeur s’inscrit dans une dimension « herméneutique », qui renouvelle notre représentation du sujet. Le courant « narrativiste » opère un tournant majeur dans la pensée psychanalytique contemporaine. Ce déplacement épistémologique est interrogé. Les notions d’« identité narrative » et de « temps » font l’objet d’un questionnement spécifique.

Conclusion

La complexité de la notion de narration repose sur différents « modèles ». La question de la narration est replacée dans le champ métapsychologique. L’activité narrative est ainsi reliée à la problématique de la « vie psychique » et de la « pulsion de vie ». La radicalité philosophique de Paul Ricoeur consiste à relier, voire identifier, « vie », « sujet » et « narration ». De ce point de vue, la narration est fondamentalement un processus de subjectivation. L’« identité narrative » est pensée dans ses implications éthiques. Le détour par des notions phénoménologiques est essentiel pour penser la narration comme médiation, subjectivation et processus de vie.

Mots clés : Narration, Psychanalyse, Vie psychique, Temps, Médiation, Fiction, Créativité, Subjectivation

Trouble de personnalité borderline et temps vécu

Lived-Time and Borderline Personality Disorder

Page :647-656

Fabian Lo Monte, Jérôme Englebert

Résumé

Objectifs

Partant du constat de l’importante hétérogénéité sémiologique présentée par les sujets état-limite, cette contribution tente de faire émerger une charpente psychopathologique du trouble de personnalité borderline afin de mieux comprendre le vécu des patients affectés par ce dernier.

Méthode

Le temps vécu est l’angle d’attaque principal choisi dans cet article. La réflexion s’articule autour des notions d’instantanéité et d’immédiateté et en explore les différentes significations. Les autres coordonnées existentielles communément investiguées en psychopathologie phénoménologique, comme les rapports à l’espace, à l’identité, au vécu émotionnel ou au corps sont également étudiées.

Résultats

La fragmentation temporelle du soi (Fuchs, 2007) que nous décrivons peut être considérée comme organisant le rapport aux principales fonctions psychiques chez les patients borderline, et révèle un être-au-monde tendant vers un dépassement de la situation spatio-temporelle. En outre, la façon de vivre le temps que Kimura (1992) nomme intra festum, qui est étroitement liée aux notions d’instantanéité et d’immédiateté telles que nous les développons, semble se combiner de façon fructueuse avec la fragmentation temporelle du soi et le dépassement de la situation.

Discussion

La combinaison entre l’augmentation de la prévalence du trouble et la qualité des expériences rapportées par les patients permet de suggérer un lien entre l’être-au-monde borderline et l’évolution de notre société, faite d’avancées technologiques incessantes à même de permettre une modification des coordonnées spatio-temporelles.

Conclusion

Les différentes conceptions exposées dans cet article semblent finalement se rejoindre autour des notions d’instantanéité et d’immédiateté. Ces deux termes, très proches mais convoquant des points de vue différents, semblent entretenir un lien étroit avec une certaine hypo-réflexivité. Celle-ci s’exprime à des degrés divers selon que l’on se situe dans la « normalité » ou la pathologie, et peut être comprise en lien à un contexte social caractérisé par une nécessité d’hyper-flexibilité quotidienne (qui nous ramène à nouveau à l’immédiateté et à l’instantanéité). Ainsi, plusieurs points de l’expérience borderline peuvent être rapprochés du mode de vie postmoderne, et cela révèle les dimensions potentiellement adaptatives de ce trouble de la personnalité.

Mots clés : Trouble de la personnalité borderline, Psychopathologie, Phénoménologie, Temps vécu, Médiation

Revue de la littérature

Globalisation des politiques de santé et psychiatrie française : enjeux et impacts

Globalization of health policies and French psychiatry: Challenges and impacts

Page :657-670

Christophe Clesse, Joëlle Lighezzolo-Alnot, Isabelle Dumand, Samira Salime, Christine Savini, Michel Decker

Résumé

Objectifs

Depuis quelques années, le paysage psychiatrique français semble se réformer en s’orientant vers une approche communautaire du soin. Le but de cet article est de commenter cette évolution récente ainsi que l’impact de ces changements. Cela, à la lumière des liens que nos institutions psychiatriques ont tissés avec des organismes porteurs d’une vision globalisée de la santé mentale tels que l’Organisation mondiale de la santé.

Méthode

Au travers d’une revue de littérature réalisée sur un ensemble de 12 bases de données spécialisées, 41 articles, 15 textes législatifs, 13 rapports de l’Organisation mondiale de la santé et de la Haute Autorité de santé, 5 ouvrages et 1 communication ont été sélectionnés.

Résultats

L’évolution de nos institutions dévolues à la santé mentale sera commentée en isolant les leviers à l’origine de ces transformations insistant notamment sur ceux employés par l’Organisation mondiale de la santé. Ensuite, les principales conséquences théorico-pratiques découlant de la généralisation de la psychiatrie communautaire en France seront catégorisées en quatre parties distinctes.

Discussion

Les auteurs questionneront donc l’apparition de nouveaux éléments sémantiques visant une réduction de la stigmatisation de l’usager en santé mentale. Puis, ils discuteront des évolutions législatives facilitant l’établissement de politiques de santé mentale communautaires. De même, l’apparition, la diffusion et l’appropriation par les équipes de nouveaux concepts seront exposés. Enfin, la généralisation de nouveaux dispositifs d’accompagnement sera abordée en s’appuyant sur l’émergence récente des conseils locaux en santé mentale ou encore celle des groupes d’entraide mutuelle.

Conclusion

À terme, il sera question de l’évolution future de ces changements.

Mots clés : OMS, Psychiatrie communautaire, Santé mentale, Psychiatrie, France, Empowerment, Rétablissement, Gouvernance, Revue de la littérature

Actualité de la Société

Sur l’expérience liégeoise… Commentaire au Colloque international « Psychopathologie phénoménologique. Dépassement et ouverture » – Liège 2017

Page :671-673

En couverture

Linda Sanchez, L’Autre, 2017, techniques mixtes, dimensions variables

Page :674-676

A propos de…

De l’épistémologie à l’éthique. À propos de… « Un cerveau pensant : entre plasticité et stabilité. Psychanalyse et neuroscience » de Marc Crommelinck et Jean-Pierre Lebrun

Page :677-683

Marie-Jean Sauret, Dina Germanos BessonP

Histoire de la famille Moreau de Tours À propos de… « Les Moreau de Tours » sous la direction de Jean-Pierre Luauté

Page :684-686

Jean GarrabéP

Responsabiliser les malades, déresponsabiliser la psychiatrie ? À propos de… « Sous l’emprise de la folie ? L’expertise judiciaire face à la maladie mentale », de Caroline Protais

Page :687-692

Yannis Gansel