Vol 84 – N° 2 – avril-juin 2019
Dossier : Contraintes thérapeutiques – Thérapies de la contrainte
Index
Page :249-252
Bernard Andrieu
Pour une sémiologie clinique de la violence : le retour des « quartiers des agités »
For a clinical semiology of violence: The return of the “Quartiers des agités”
Page :253-259
Vincent Di Rocco, Magali Ravit
Résumé
Objectifs
De nos jours, la notion de violence occupe une place de plus en plus grande dans le champ psychiatrique et psychopathologique qui mérite d’être interrogée. D’abord repérée comme un « comportement violent » se prêtant à une analyse psychanalytique, la violence a été un objet d’étude psychopathologique aux frontières de la criminalité et de la psychopathologie, pour devenir une quasi-entité clinique avec la notion de « patient violent », dont la dangerosité doit être évaluée, qui fait suite à celle de « malade difficile ».
Méthodes
L’étude des développements des travaux psychanalytiques sur la psychopathologie de l’agir redonnent une dynamique psychique et un sens au passage à l’acte devenu une modalité d’expression de la souffrance psychique en devenant un passage par l’acte porté par des processus psychiques complexes.
Résultats
L’extension de la notion de « patient violent » abrase les riches notions sémiologiques issues de l’observation psychiatrique classique. L’agitation, la fureur, le raptus, l’état confusionnel, ou l’accès aigu d’angoisse peuvent gagner à être relus avec l’éclairage psychopathologique actuel et permettre de rétablir une pensée clinique organisatrice des pratiques de soins.
Discussion
La réponse institutionnelle, qui contraint les corps et isole de la société, souligne, en négatif, que la clinique de la violence est avant tout une clinique du corps et de la rencontre intersubjective marquée par des angoisses massives.
Conclusion
C’est en redonnant une place au corps et à l’acte dans l’expression de « terreurs agonistiques » que l’on peut retrouver une sémiologie clinique faisant sortir la violence d’une vision unique et menaçante.
Mots clés : Psychiatrie, Violence, Sémiologie
La contrainte consentie : après le DSM-5, quelle thérapie BDSM ?
Consenting to constraint: After the DSM-5, how can we view BDSM Therapy?
Page :261-276
Bernard Andrieu, Claire Lahuerta, Asia Luy
Résumé
Objectif
Le BDSM est un acronyme imbriqué faisant référence aux pratiques de bondage et de discipline, de domination et de soumission, de sadisme et de masochisme. L’American Psychiatric Association a « dépathologisé », après le DSM-IV, malgré sa justification clinique, le kinky sex— y compris le cross-dressing, les fétiches et le BDSM — dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, cinquième édition (DSM-5). Désormais, les paraphilies sont considérées comme des « intérêts sexuels inhabituels ».
Méthodes
Plusieurs études psycho-sexologiques, que nous analysons ici, utilisent les pratiques sadomasochistes, dites BDSM (Bondage, Discipline, Domination, Soumission, Sadomasochisme) comme des études de cas psychiques, non plus comme comportements déviants, mais bien au contraire en termes de conduites « communes », car adoptées par un grand nombre d’individus. Ces individus utilisent la contractualisation consentie dans un cadre précis, qui peut être un apport considérable dans l’accueil thérapeutique.
Résultats
Plutôt que de les considérer comme une perversion, les études actuelles sur la psychiatrie du BDSM et la psychologie des subsexualities ont renversé l’analyse déviante en une étude scientifique des effets des pratiques BDSM notamment sur leurs bénéfices sur l’humeur, sur le stress ou sur la dépression.
Discussion
Le projet BDSM et thérapie est soucieux d’articuler les risques possibles du jeu BDSM et de clarifier les situations limites où le jeu BDSM n’est pas sain ou utile. La thérapie BDSM a-t-elle pour objectif de régulariser les pratiques BDSM et de les calibrer ? Certains membres de la communauté BDSM ont exprimé les points suivants : Des barrières sociales peuvent se développer entre soi et les amateur(e)s ; Aliénation et isolement par la stigmatisation qui peut produire des stéréotypes négatifs intériorisés ; Risques liés à des limites poussées trop loin (mal identifiées en amont) dans une scène ; Potentiel de déshumanisation et de destruction du BDSM dans certaines situations unsafe du BDSM.
Conclusion
La thérapie BDSM, tant dans la clinique que dans la pratique communautaire, repose sur le consentement et le respect des limites de chacun(e) (safe et secure). Le SM peut être une psychothérapie pour le/la soumis(e) mais aussi pour le/la dominant(e). La thérapie BDSM consisterait, par la contrainte, à modifier le sens de la souffrance corporelle pour transformer celle-ci : le BDSM n’implique pas nécessairement de douleur (fluctuant par exemple dans les pratiques de bondage ou de domination psychologique ; par ailleurs la dimension sexuelle y est très variée, parfois non génitale, voire absente). Pour fonctionner, le processus thérapeutique BDSM exige au moins trois conditions : (1) la relation BDSM engage un(e) dominant(e) et un(e) dominé(e) (volontaires) ; (2) ce binôme érotique fonctionne dans un cadre strictement codifié ; (3) le/la dominant(e) est « thérapeutisant(e) » en ce qu’il fait preuve d’empathie envers le/la dominé(e) ; le/la dominé(e) respecte les limites du/de la dominant(e) ; (4) le flux est à double sens avec les « souminatrices » par exemple, qui sont des soumises résistantes et désobéissantes, explorant leurs propres limites au contact du/de la dominant(e).
Mots clés : Contrainte, Consentement, Psychothérapie, DSM-5, BDSM, Comportement sexuel, Nosographie psychiatrique
La notion de regret dans la clinique du changement de genre
The notion of regret in the clinical approach to gender reassignment
Page :277-284
Arnaud Alessandrin
Résumé
Objectifs
Cet article vise à discuter de la notion de « regret » dans la clinique de changement de genre.
Méthode
Pour ce faire, l’article propose un état des lieux de la littérature existante ainsi que de nombreuses traductions.
Résultats
Il en résulte que la notion de regret s’entend comme un argument central dans les parcours « trans », notamment en matière de « principe de précaution ».
Discussion
À l’aune de ces résultats, l’article propose une redéfinition du regret, comme résultant des déceptions relatives aux techniques opératoires et des suivis hospitaliers inadéquats, plus qu’aux transitions elles-mêmes.
Conclusion
Au total, c’est la suspicion portée sur les corps « trans » et sur les transitions qui est ici débattue.
Mots clés : Genre, Transgenre, Chirurgie, Psychiatrie, Regret
Contrainte carcérale, soin et prise en charge en art-thérapie
The constraints of prison, care and art therapy
Page :285-295
Odile Girardin-Gantier
Résumé
Objectif
Ce texte propose une réflexion autour des questions du soin et de la santé en prison, à travers des ateliers d’art-thérapie. En effet, les questions que soulève la pratique de l’art orientée à des fins thérapeutiques, amènent à penser bien des liens entre l’individu et la société.
Méthode
La méthode écologique permet de prendre en compte l’individu dans une globalité de phénomènes, grâce à l’art-thérapie moderne spécifique à l’Association Française de Recherches et Applications des Techniques Artistiques en Pédagogie et Médecine (AFRATAPEM) qui se présente comme une phénoménologie de l’action artistique à des fins thérapeutiques. Le phénomène artistique s’organise autour de quatre phases ; l’impression, l’intention, l’action, la production.
Résultat
Le résultat montre que l’art offre la capacité de mobiliser une transformation à travers l’utilisation de concepts et de phénomènes inhérents au phénomène artistique. La plasticité inhérente à l’organisation phénoménologique de l’homme peut être utilisée par l’art-thérapie. La prison transforme par sa violence, or l’art-thérapie peut aider à en diminuer l’empreinte nocive.
Discussion
En prison, les relations sont contrôlées et sont maintenues à un certain niveau de violence, cohérent avec la fonction du lieu. Ainsi, dans le cadre des soins proposés à un détenu, la question de la santé et du bien-être englobe celle du social et de sa prise en charge. L’appréciation des limites du supportable est de la responsabilité des soignants. Les soins en prison posent la question du supportable et, lorsque l’insupportable menace l’humanité de l’individu, la légitimité de la structure doit être questionnée.
Conclusion
Le monde carcéral s’accorde une légitimité qui pourrait être entendue comme principe de transformation de la société. Le sortant de prison est porteur de violences qui s’ajoutent à celles qui précédaient son incarcération. En omettant de penser l’incarcération dans sa fonction et dans le temps, de la même façon que l’économie n’a pas pensé l’écologie, l’incarcération ne protège plus la société de la violence mais bien au contraire, elle la fabrique et la diffuse.
Mots clés : Prison, Art-thérapie, Plasticité
Soubresauts face aux contraintes handicapantes de l’âge. Valences capacitaires/déficitaires du corps chez des danseurs seniors
Bodily capacities and disabilities among older dancers
Page :297-305
Jocelyne Vaysse
Résumé
Objectifs
Dans le champ artistique occidental, les danseurs sont particulièrement confrontés au phénomène du vieillissement corporel et aux attentes du public.
Méthode
Comment répondre à des exigences souvent contradictoires jusqu’à brouiller la logique linéaire et causaliste des attributs capacitaires et déficitaires du corps ? Quand le corps est pris dans le déclin lié à l’âge et que les contraintes handicapantes s’annoncent, comment assumer les propositions chorégraphiques faites à des artistes seniors ? À moins d’engager des amateurs en passe de devenir acteur-danseur « d’un jour » bien que senior ? Comment repérer certaines vertus autosoignantes attribuées à la danse proches des effets de la danse-thérapie a contrariodes contraintes médicamenteuses, au sein des prérogatives du care/cure ?
Résultats
Les aptitudes et limites bio-physiques du corps vivant déplacent certaines exigences chorégraphiques alors que la réceptivité des media envers des corps dansants matures est ambivalente. Les danseurs — professionnels et amateurs — sont mis à l’épreuve. Les soubresauts successifs — vacillements corporels et émergence consciente d’une autre expressivité — font reconsidérer les valences capacitaires/déficitaires du corps en lien avec les vécus personnels, l’estime de soi et les retombées sociétales.
Discussion
Continuer à danser, c’est soutenir l’âme et le corps ; c’est apporter bien souvent une occasion de soin de soi et de résilience ; c’est entretenir ou induire une insertion sociale en activant des sentiments d’utilité et de fierté qui ré-animent une estime de soi défaillante après une phase fréquente de repli en partie due à un handicap réel ou imaginairement amplifié.
Conclusions
La décadence présumée du corps mature présente paradoxalement des qualités indéniables et spécifiques aux yeux de certains chorégraphes contemporains qui tirent parti de leurs modifications physiologiques et architecturales et de leur long savoir corporel.
Mots clés : Danse, Danseur, Vieillissement, Corps, Déficit, Capacité, Handicap, Représentation sociale, Témoignage
De l’absence ou non de contrainte dans l’École Freinet
Absence or presence of constraint in the Freinet School
Page :307-314
Xavier Riondet, Henri-Louis Go
Résumé
Objectifs
L’article pose la question de la contrainte corporelle et thérapeutique en jeu dans la pédagogie historique des pédagogues Élise et Célestin Freinet dans l’École Freinet à Vence.
Méthodes
Ce texte s’appuie sur les travaux menés par une équipe de chercheurs nancéiens au sujet de l’objectivation des pratiques éducatives de l’École Freinet à Vence, comportant à la fois un versant historico-philosophique et un versant ethno-didactique.
Résultats
Ce texte montre, par-delà ce que pense la doxa de la « pédagogie Freinet », l’existence d’une dialectique spécifique entre contrainte et liberté dans la pédagogie historique de l’École Freinet.
Discussion
Cette prégnance de la contrainte thérapeutique à Vence est à l’œuvre dans l’organisation même du milieu éducatif de cette école. Elle s’articule pleinement avec la conception pédagogique.
Conclusion
Même si l’École Freinet a évolué depuis son ouverture en 1934, rachetée par l’État en 1991, et que la question de contrainte thérapeutique s’est amenuisée, un style de pensée s’est néanmoins maintenu dans les pratiques éducatives. Cela interroge fortement nos habitudes éducatives.
Mots clés : École Freinet, Pédagogie, Éducation, Thérapeutique, Contrainte, Liberté
Approche psychomotrice de l’Être sous contrainte au cours des 24 premières heures d’hospitalisation en UNV-A après un AVC ischémique
A psychomotor approach to Being in the world under constraint in the first 24 hours in a stroke center following ischemic stroke
Page :315-322
Marie Agostinucci, Chantal Dutems-Carpentier, Sylvain Hanneton, Bernard Andrieu
Résumé
Objectif
L’accident vasculaire cérébral constitue à la fois un enjeu majeur de santé publique et une urgence médicale. La prise en soin des patients dès les premières heures qui suivent l’AVC constitue une expérience déstructurante de l’Être au monde, en raison des troubles et des contraintes de soin : les fonctions sensorimotrices sont altérées, le corps est relié aux machines et les fonctions de communication sont amoindries.
Méthode
Une lecture phénoménologique des troubles sensorimoteurs et des contraintes médicales qui les accompagnent est proposée. À travers des illustrations cliniques au sein d’une UNV-A (Unité Neuro-Vasculaire Aiguë), l’approche psychomotrice est présentée selon trois dimensions : l’être au monde, l’être à soi et l’être à l’autre.
Résultats
La posture et les soins apportés par la psychomotricienne sont orientés vers une appropriation de l’environnement et du contexte de soin. Le rapport au corps est actualisé par une activation des systèmes sensorimoteurs, au sein d’une dynamique relationnelle.
Discussion
L’actualisation du corps vivant par le mouvement est couplée à une prise de conscience étayée par la psychomotricienne : la relation devient alors le support émersif permettant l’actualisation du corps vécu.
Conclusion
Les principales contraintes médicales reposent sur l’alitement dorsal strict et le raccordement aux machines, tandis que l’AVC entraîne des perturbations sensorimotrices. L’approche psychomotrice permet une réappropriation du corps à travers le mouvement, guidé verbalement dans une optique d’awareness : les informations du corps vivant activé sont ainsi portées à la conscience du corps vécu.
Mots clés : AVC, Phénoménologie, Psychomotricité, Corps, Contrainte
Ouvertures
Nosography and classification of mental diseases in the history of psychiatry
Nosographie et classifications des maladies mentales dans l’histoire de la psychiatrie
Page :e15
Jean Garrabé
Résumé
Objectifs
Retracer l’histoire de la question des classifications des maladies et notamment des troubles mentaux depuis la naissance de la psychiatrie au début du xixe siècle jusqu’à la 10e révision de la Classification internationale des maladies publiée par l’OMS (en 1993).
Méthodes
Étudier les classifications successivement proposées par les nosographes pendant cette période.
Résultats
Au xviiie siècle, les médecins classaient les maladies de la même manière que les espèces animales et végétales (Carl von Linné). Au xixe siècle après plusieurs tentatives en France et en Allemagne de classer les maladies mentales en fonction de facteurs étiologiques et pathogéniques connus ou supposés (B.-A. Morel, Griesinger), les psychiatres classent les psychoses et les névroses en fonction de leur symptomatologie clinique et de l’évolution de celle-ci dans le temps depuis leur début jusqu’au stade terminal. En 1893, J. Bertillon proposa au Congrès international de statistique de Chicago, une « nomenclature des maladies » permettant de les classer pour classer et recueillir les données statistiques épidémiologiques au niveau international. Les révisions furent dans l’entre-deux-guerres effectuées par le Bureau santé de la société des nations (Genève). Après la fondation en 1948 de l’OMS, c’est celle-ci qui poursuivit les révisions de la Classification internationale des maladies dont le chapitre particulier V (F) est réservé aux troubles.
Discussion
La discussion de la question des classifications en psychiatrie à toujours eu lieu lors des Congrès mondiaux de psychiatrie depuis le premier à Paris en 1951. Lors du vie Congrès à Honolulu en 1976, une résolution fut adoptée demandant aux sociétés nationales de psychiatrie qui disposaient d’une classification des maladies mentales de la réviser pour la mettre en concordance avec le chapitre V(F) de la CIM. L’American Psychiatric Association révisa son Manuel de Diagnostic Statistique (DSM) et publia le DSM III. En France, un groupe de pédopsychiatres publia une Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent CFTMEA dont la dernière révision a été publiée en 2012 (CFTMEA R 2012).
Conclusions
Cette étude montre qu’il n’est possible de proposer une classification des maladies mentales, surtout qu’en fonction du développement de la psychiatrie au moment où elle est élaborée ; elle n’est valable que dans le contexte culturel du pays où elle doit être utilisée.
Mots clés : Psychiatrie, Pathologie psychiatrique, Nosographie, Classification internationale des maladies, DSM
Richard III : du préjudice à la revendication
Richard III: From wrongs to retribution
Page :323-336
Nicolas Brémaud
Objectifs
Nous viserons dans cet article à mettre en relief la logique « revendicatrice » du Richard III de Shakespeare.
Méthode
Une revue de la littérature (psychiatrie, psychanalyse, essais critiques, etc.) sur cette pièce historique nous permettra de rendre compte de la problématique centrale de Richard III. Cette figure célèbre du théâtre shakespearien nous amènera ainsi à traiter de la question du préjudice, puis du délire de revendication (Sérieux et Capgras, Clérambault, Lacan, etc.), ou de la « psychose de revendication » (selon les termes de M. Dide), qui est dans son fond une véritable « lutte pour le droit ». C’est l’occasion aussi de rappeler le diagnostic différentiel entre délire de revendication et délire d’interprétation.
Résultats
D’un préjudice de départ, d’un sentiment d’injustice à une revendication haineuse qui versera de façon effrénée dans le passage à l’acte criminel, Richard III nous donne tous les éléments « cliniques » qui permettent de lire cette tragédie à l’aune d’une psychose de revendication. Le sujet revendicateur – qui se considère comme une victime de l’Autre – suite à ce préjudice initial, voue sa vie corps et âme pour obtenir réparation (la formule du paranoïaque revendicateur pouvant être résumée ainsi : « on me doit réparation »). La voie choisie par Richard III est ainsi celle qui le fera passer de l’« avorton », du malformé, à un statut de personnage d’« exception » en éliminant tous ceux qui lui barreront la route – ou ceux qu’il suspectera de lui barrer la route – du trône.
Discussion
Le point central porte donc sur le « dommage » initial qui demande, coûte que coûte, réparation. Richard III, difforme de naissance, accuse l’Autre (la Nature, sa propre mère, etc.) et veut lui faire « payer » son dû, infligeant ainsi aux autres cette injustice de départ. Sa frénésie sanguinaire, destructrice, sa folie meurtrière dénuée d’une quelconque empathie, de remords ou de culpabilité, les éléments donnés de son enfance et de sa jeunesse, son rapport à la Loi, son rapport à l’Autre, etc. semblent bien faire effectivement de Richard III un sujet foncièrement revendicateur, ou, selon l’ancienne terminologie, un « persécuté-persécuteur » aux idées de grandeur. Le point nodal de la discussion demeure donc en rapport avec le « dommage » subi, lequel « dommage » peut se rencontrer également dans d’autres formes de psychoses, la mélancolie par exemple. Ce « dommage » est interprété et traité différemment selon les sujets, notamment selon que celui-ci reporte la « faute » sur lui-même, ou selon qu’il accuse l’Autre de son mal. Pour Richard III, l’Autre doit subir crime et châtiment.
Conclusion
Richard III, ce personnage si sombre, pour haineux, terrible et criminel qu’il puisse être, n’est cependant pas sans nous toucher, sans produire quelque écho en nous. C’est S. Freud qui fit cette analyse en 1916. De fait, tout sujet porte en lui une forme de sentiment d’injustice, tout sujet est en « droit » de revendiquer un quelconque préjudice, nous sommes tous en quelque sorte « à petite échelle » (Freud) des sujets revendicateurs. Mais Richard III nous enseigne en un certain sens que selon le type de structure clinique à laquelle nous appartenons, ce préjudice, cette revendication, prennent des formes bien différentes. La revendication « morbide » de Richard III, elle, nous amène à considérer ce qu’est un « délire de revendication égocentrique » (Sérieux et Capgras), ou mieux peut-être : une psychose de revendication à caractère égocentrique où « l’idéalisme de la justice » (M. Dide) prédomine : le sujet tient à ce que « justice lui soit rendue ».
Mots clés : Richard III, Shakespeare W, Délire de revendication, Idéalisme, Justice
Le harcèlement au travail et ses conséquences psychopathologiques : une clinique qui se transforme
Harassment at work and its psychopathological consequences: Changes in clinical practice
Page :337-345
Antoine Duarte, Christophe Dejours
Résumé
Objectif
Cet article vise à mettre en lumière la transformation de la clinique du harcèlement au travail à l’aune des savoirs théoriques et pratiques de la psychopathologie et de la psychodynamique du travail.
Méthode
L’écrit repose sur un ensemble de faits cliniques rencontrés depuis plusieurs années au sein de consultations cliniques en cabinet et dans des enquêtes en psychodynamique du travail, menées sur le terrain en entreprise et en institution. L’article insiste plus particulièrement sur le cas de l’institution judiciaire. À partir de ce matériel clinique, les auteurs souhaitent dégager les éléments essentiels qui caractérisent l’évolution du harcèlement au travail et ses conséquences psychopathologiques pour les sujets.
Résultats
Les auteurs constatent depuis maintenant plusieurs années un accroissement des pathologies mentales consécutives au harcèlement, dont la définition doit cependant être repensée au regard des transformations de l’organisation du travail. Si le harcèlement est loin d’être une pratique nouvelle, ses conséquences psychopathologiques prennent en revanche des formes plus graves qu’il y a trente ans.
Discussion
Il apparaît que les nouvelles formes d’organisation du travail procédant du « tournant gestionnaire » initié dans les années 1990 génèrent une érosion des solidarités au sein des collectifs de travail et une solitude, constituant des éléments étiologiques majeurs dans les décompensations aujourd’hui constatées.
Conclusion
Les pathologies du harcèlement sont ainsi à envisager comme un des signes les plus flagrants de l’évolution délétère du monde du travail pour le fonctionnement psychique des sujets. Si une prévention existe, elle réside avant tout dans le rétablissement des coopérations et dans la volonté collective de lutter pour la qualité du travail.
Mots clés : Harcèlement, Travail, Décompensation, Psychodynamie, Souffrance psychique, Éthique, Organisation, Managementsychanalyse, Cas clinique
Revue de la littérature
La stigmatisation sociale des personnes vivant avec la schizophrénie : une revue systématique de la littérature
The social stigmatization of people with schizophrenia: A systematic review
Page :346-363
Dimitrios Lampropoulos, David Fonte, Thémis Apostolidis
Objectifs
Alors que la stigmatisation de la schizophrénie relève d’un véritable enjeu de santé publique, peu de recherches ont traité de cette question dans le contexte français. Une revue de cette question a donc été menée dans le but de repérer les méthodes et les critères utilisés dans la littérature internationale pour étudier ce phénomène, mais également de synthétiser les principaux résultats concernant les facteurs associés à la stigmatisation.
Méthode
Nous avons réalisé une revue systématique de la littérature en décembre 2016, sur 113 articles étudiant la stigmatisation sociale de la schizophrénie.
Résultats
Les articles emploient majoritairement une méthode quantitative. Nous avons observé une relation significative entre le désir d’établir une distance sociale avec les personnes schizophrènes et un certain nombre de facteurs tels que le niveau de familiarité avec la schizophrénie, l’étiquetage de « schizophrène », les causalités neurobiologiques attribuée à la schizophrénie ou bien encore le stéréotype de dangerosité. Les articles employant une méthode qualitative sont rares et soulignent l’importance de la prise en compte du contexte socioculturel et des théories profanes sur la schizophrénie pour comprendre le phénomène de stigmatisation.
Discussion
Ces résultats permettent de proposer des pistes théorico-méthodologiques pour mieux comprendre et intervenir sur le problème de la stigmatisation de la schizophrénie, notamment concernant la nécessité de mener des recherches qualitatives dans le contexte français.
Conclusion
Cette revue pourrait constituer un guide pratique pour les chercheurs et les praticiens français qui travaillent à la déstigmatisation de la schizophrénie et des troubles psychiques socialement stigmatisés plus généralement.
Mots clés : Stigmatisation, Représentation sociale, Schizophrénie, Revue de la littérature, Pathologie psychiatrique, Échelle d’évaluation
Actualités de la société
Prix de l’Évolution psychiatrique 2018
Hommage à…
Deux disparitions. Renée Boulay (1923–2019) et Alain De Mijolla (1933–2019)Two disapearence. Renée Boulay (1923–2019) et Alain De Mijolla (1933–2019)
Page :366-367
En couverture
Matthieu Pilaud, Carré d’âmes, 2014
A propos de…
Page :371-377
Erratum
Erratum au volume 1-2019 – Soi/non soi
Page :378