La désorganisation, concept théorique de la psychiatrie par le Dr Vassilis Kapsambelis

Séance du 3 décembre2020 du Séminaire d’Epistémologie de la psychiatrie, organisé par l’ASM 13, L’Evolution psychiatrique et l’Espace Ethique d’Ile de France.

Argument

D’un certain point de vue, la désorganisation ne peut pas être un concept en clinique, médicale ou psychiatrique. En effet, toute maladie se présente comme une désorganisation du vivant (disorder), et l’existence d’une clinique et d’une nosographie viennent montrer que cette désorganisation obéit à une certaine logique, dispose donc de sa propre organisation. Comment alors la désorganisation pourrait-elle elle-même devenir concept clinique ?  La désorganisation serait peut-être  pertinente en clinique si elle traduisait une forme de désordre dans l’ordre pathologique lui-même. Ce chemin a été suivi par Bleuler, et surtout par Chaslin. Mais Freud s’y est violemment opposé : l’introduction d’un facteur de désorganisation dans l’organisation pathologique témoignerait de l’incapacité des psychiatres à saisir l’ordre caché, la cohésion latente sous l’apparente désorganisation qui constitue toute pathologie. Toutefois, quelques années plus tard, l’introduction d’une hypothèse hautement spéculative, celle d’une « pulsion de mort », permet d’utiliser l’un de ses aspects (la rupture des liens, le démantèlement de la complexité du vivant) pour repenser la notion de désorganisation. Parallèlement, une autre ligne de penser se fait jour : celle de l’approche psychosomatique, qui va séparer régression et désorganisation, la première se manifestant selon une logique qui reste cohérente malgré son désordre apparent, la seconde traduisant justement l’échec de la régression, ce qui introduit un désordre d’une nature toute autre. La schizophrénie se trouve au cœur de ces interrogations : désorganisation au sens d’une régression (la position initiale de Freud, critique vis-à-vis de Bleuler), ou désorganisation au sens des effets prépondérants d’une « pulsion de mort ».