De tout temps, il a existé une science désirable pour la politique.

En rédaction au projet de loi n°385 sur l’extension des Centres experts.

La pétition à signer : https://www.change.org/p/contre-le-d%C3%A9mant%C3%A8lement-de-la-psychiatrie-publique-contre-le-projet-de-loi-n-385

On commençait à comprendre et même à observer que celle de notre temps, celle qui sied aux tutelles de notre société néolibérale, est celle qui s’énonce comme un bilan comptable. Celle qui, ramenée à des chiffres et à une manière de les interpréter, ne se dit pas réduite.

Si on a pu croire que cela avait un avenir, était l’avenir, même, tant les promesses de l’IA nous excitent, quand cette science se substitue à notre discipline, la psychiatrie, tous ou presque nous nous dressons. Nous nous dressons contre un projet d’effacement de la particularité de la souffrance de chacun.

Car c’est bien de cela dont il s’agit. Le projet d’organiser les soins psychiatriques autour des centres experts, c’est faire lieu de référence une institution qui a renoncé à la clinique. C’est faire reposer nos espoirs de soins meilleurs sur des équipes qui ne soignent pas. C’est imaginer qu’un maillage territorial puisse être pensé par les tenants de l’individu standard. Enfin, c’est livrer la psychiatrie à ceux qui ne croient plus en elle, à ceux qui veulent lui substituer une micro-neurologie voire une pratique de data analyst.

Quelle illustration plus claire de cette mise en conformité du scientifique à l’économique que la composition du CA de FondaMental ? Y siègent des patrons d’industrie, des grandes fortunes qui n’ont jamais fait état de leur intérêt philanthropique pour la santé. Leur présence dans cette institution nous instruit sur la direction que prend notre science psychiatrique et sur ce qui la guide.

Ce combat, qui peut pour certains paraître technique, est en réalité un combat politique qui se tient dans plusieurs arènes où la question collective est attaquée, où les services publics sont niés dans leur mission de cohésion sociale. Ce combat est une réplique des combats qui se tiennent ailleurs pour la défense de ce qui nous est commun. C’est d’ailleurs de ce besoin de refaire communauté, sur ce terreau qu’est née la psychiatrie de secteur, effort spectaculaire en ce qu’il est le résultat des considérations médicales, sociales, politiques. Cette convergence était guidée par une poussée humaniste. L’agent organisateur en était le souci du collectif social comme c’est toujours le cas dans les services de psychiatrie de secteur et les services universitaires qui ont souvent assumé leur part de responsabilité populationnelle. Pas la performance ni la rationalisation des coûts . 

Ce combat qui se dessine depuis déjà longtemps et fait l’inquiétude de nos patients et nos équipes arrive dans notre champ de savoir, de pratique et nous saurons l’affronter dès lors que nous, cliniciens, serons rassemblés.

Dr Benjamin Weil, psychiatre, ASM 13.